Sallanches, un cas d'école
La Fédération, le CNFAS et les associations locales ont, durant l’été, eu recours à un collège d’experts pour établir de manière indépendante que le terrain de Sallanches est nécessaire à la sécurité aérienne dans la vallée de l’Arve. Cette démarche venait en complément des procédures judiciaires qui avaient été engagées par les mêmes acteurs contre la mairie un an auparavant et dont nous avions obtenu l’annulation de décisions illicites. Elles avaient été également largement soutenues par une pétition lancée par des pilotes de planeur suisses qui a recueilli plus de 17 000 signatures. Il y a donc deux volets juridiques dans la défense de Sallanches, un premier sur le contentieux concernant le bâti, clos depuis, un second sur l’intérêt proprement dit du terrain notamment pour la sécurité des vols sur les massifs locaux, c’est désormais sur ce dernier point uniquement que porte la défense.
Incompréhension
Au cours du mois de juillet 2020, nous avons découvert avec stupeur et incompréhension, l’arrêté de fermeture du terrain qui a été pris avec une célérité étonnante par le ministre de la Transition écologique sous couvert de la DGAC. Nous avons immédiatement engagé un recours gracieux auprès du ministre en attente de réponse à ce jour. La municipalité de Sallanches, à la faveur du caractère exécutoire de l’arrêté de fermeture, a très rapidement fait... démolir les hangars ! Et barré l’accès au terrain !
La règlementation permet aux citoyens de réclamer à l’administration les documents sur le fondement desquels les décisions administratives sont prises. C’est donc avec un certain étonnement que nous avons reçu et... découvert par le biais de notre avocat trois éléments très instructifs.
Sallanches : un terrain utile
Le premier concerne une enquête technique interne datée du 11 février 2020 destinée à la Direction du Transport Aérien qui conclut que l’intérêt de Sallanches est d’être le seul aérodrome de recueil dans la vallée de l’Arve pour les aéronefs qui auraient besoin d’un atterrissage sans délai. Sallanches est par ailleurs considéré comme un terrain utile pour les secours. L’étude de la DGAC conclut ainsi : « Un terrain de recueil est important dans cette région. Si l’aérodrome est fermé, il paraît nécessaire, en termes de sécurité, d’identifier une nouvelle aire de recueil. » Cette étude conduite par l’administration elle-même, conformément à la loi, aboutit exactement aux mêmes conclusions que celles du collège d’experts judiciaires que nous avions sollicités ! C’est donc en parfaite connaissance de cause que la DGAC a fermé le terrain sans pour autant proposer une alternative.
Procédure de fermeture
Le second élément concerne la procédure de fermeture de l’aérodrome. Les services juridiques de la DGAC avaient requis avant toute décision de fermeture du terrain de Sallanches que soient recueillis les avis des usagers du terrain, ce qui est aussi une bonne pratique en général. Or il est établi qu’aucune réunion physique officielle avec les usagers, associations, fédérations n’a pas été faite durant toute la période précédant la fermeture.
Comment peut-on prendre des décisions aussi radicales sans faire l’effort de réunir les parties prenantes ? N’est-ce pas le rôle de l’administration de faciliter le dialogue tout en affirmant les principes d’intérêts généraux ?
Propositions alternatives
Enfin il est établi que ni l’administration, ni la Commune de Sallanches n’ont formulé de propositions alternatives, pourtant prescrites par les services juridiques de la DGAC. De simples demandes informelles de relocalisation des machines - vouées à l’échec ! – ont certes été formulées par le maire de Sallanches auprès de terrains voisins mais cela ne répondait certainement pas à l’obligation de proposer effectivement une solution de remplacement. Quel gâchis et quel manque de pragmatisme !
Nous disposons évidemment de tous les éléments pour saisir le Conseil d’Etat et requérir notamment la suspension pour illégalité de l’arrêté de fermeture quoique le coût des procédures engagées sur Sallanches est déjà extrêmement important. Mais l’enjeu est cependant décisif pour tous les autres terrains.
Compromis
Ne pourrait-on pas aboutir à une solution de compromis où un terrain alternatif, une base ULM par exemple, puisse dans le même secteur satisfaire l’intérêt de tous ? C’est sur cette piste que nous préférons consacrer nos moyens, sans rien exclure pour autant. D’ici là il faut que techniquement, la piste de Sallanches soit encore praticable. Il semble que depuis peu, dès la rentrée et la démarche de recours gracieux aidant, le ministère ait réalisé la mesure des manquements commis et pris conscience de la nécessité d’une démarche constructive en demandant à l’administration de favoriser une solution de compromis.
Un cas d’école
Sallanches est un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire et espérons-le au final de ce qu’il faudrait faire ! Bien que chaque terrain réponde à des problématiques spécifiques, il est nécessaire de poser une doctrine générale dans un contexte où les menaces sur les terrains ne cessent de croître alors qu’une perception erronée de l’aviation sportive et de loisir s’accentue dans l’opinion.
- Tout d’abord, nos terrains ne correspondent pas à l’image que le grand public a d’un aérodrome (de Roissy à Nantes et qui sont dans le spectre de la convention citoyenne). Ce sont généralement des petits terrains, qui ont une histoire ancienne, de grands espaces de verdure qui répondent à une logique d’aménagement du territoire, au même titre que des installations sportives.
- En fermant ces petits terrains, on perd du foncier vert, on éclate l’activité, on la concentre sur des terrains en créant des nuisances, on la rend moins accessible. On crée des tensions avec les élus et les usagers.
- Il est indispensable que l’Etat ait une vision claire. Il serait souhaitable que les projets de fermeture de tous les terrains donnent lieu à une procédure de médiation efficace et dans tous les cas à une proposition de solution alternative. Et il est normal que dans un premier temps, la DGAC commence par défendre les terrains existants en produisant des arguments constructifs.
- Il faut également faire preuve d’imagination. La Fédération s’engage dans une démarche d’acquisition de terrains (mais il nous faut l’aide des pouvoirs publics). On pourrait aussi imaginer que l’on propose aux usagers d’en faire l’acquisition. Rien n’est à exclure mais il est impératif de repenser les contours d’accès à notre pratique sans se contenter passivement des fermetures ou des menaces permanentes et parfois insidieuses.
Nous souhaitons donc que l’épisode des rapports de forces et des contentieux laisse la place à un partenariat clair sur des objectifs partagés. Il faut que Sallanches fasse jurisprudence au bon sens du terme !
Sébastien Perrot
Président de la FFPLUM
Avec le Bureau Directeur de la FFPLUM