Réponse à l’édito d’ULMaG « Pour qui roule la Fédération ? »
https://www.ulmag.fr/index.php?lire=edito/edito_aff.php
Cher Miguel,
Dans ton édito du mois de novembre, tu interpelles le lecteur en te demandant « pour qui roule la Fédération ? ». Tu rends compte de la réunion de l’association des « Vieux Deb’s » qui a eu lieu au mois de novembre, sur le thème « Où va la Fédération ? ». Cette réunion a réuni environ vingt personnes dont cinq personnes de la Fédération et non pas deux (deux élus du Comité directeur, un DTN, deux représentants des Comités régionaux). Elle a donné lieu à un compte-rendu largement partial de l’association dont tu relaies les éléments de langage. Peut-être est-il temps de rétablir un peu les choses ?
ULM-avions et règlementation
Dans les sujets abordés pêle-mêle, tu parles de la nouvelle règlementation de juillet 2018. Je ne souhaite pas revenir de manière allusive sur un sujet aussi compliqué qui a fait couler beaucoup d’encre, mais je mets au défi quiconque de montrer que cette règlementation porte atteinte à nos libertés ou pénalise une pratique. En faisant le tour de l’environnement règlementaire européen, on réalise à quel point nous avons de la chance d’avoir préservé et favorisé ce cadre. Nous avons réussi en deux ans à pérenniser notre règlementation. L’élection de la France à la tête de l’EMF est le signe de cette nouvelle influence. Que cela plaise ou non, cette règlementation est très largement acceptée, pragmatique et préserve l’essentiel. Elle pourra encore évoluer en allant vers plus de simplification.
Sur la tendance « ULM-avions », il faut d’abord reconnaître qu’elle ne date pas de juillet. Les couvertures de magazines et les dernières années du salon ULM de Blois ne sont pas représentatives des machines présentes dans nos hangars. Nous avons 30 % de paramoteurs qui nourrissent toutes les pratiques, un marché de l’occasion dynamique, et des machines neuves qui restent accessibles si on le souhaite, le marché dépend à la fois des clients et de ce qu’on leur montre. La leçon de notre expérience européenne montre que partout où on a divisé les classes, la dynamique est négative. Là encore on ne peut pas en trois lignes développer cette remarque. Mais je suis confiant sur le fait qu’ULMaG prendra aussi ses informations auprès de la Fédération, a fortiori quand elle est mise en cause. Les avis de chacun seront éclairés et contradictoires.
Sur la sécurité des vols, on verra la tendance dans la durée mais nos principes sont simples : pas de fatalité, pas de règlementation supplémentaire. Évitons les raccourcis et les «Y’a ka fau kon » du bar de l’escadrille. L’équation « ULM-avions » = « nouvelle règlementation » = « accidents » est inexacte. A contrario comment expliquer qu’il y avait parfois plus de 30 morts par an il y a 20 ans ? S’il y a un sujet qui demande du recul, la tête froide et un travail collégial, c’est bien celui-là. S'il y a un sujet qui a mobilisé de l’énergie et des moyens depuis deux ans, c’est celui-ci. Un exemple : Remise en Vol (REV) en 2018 : 180 vols, REV en 2019 : 600. La DGAC a accepté d’entreprendre (avec le BEA et avec nous) une étude sur « 20 ans de sécurité ULM ». Personne n’a la science infuse. Nos tendances récentes sont bonnes et ce n’est pas que le hasard. On en reparlera, mais sans raccourci.
Le médical
S’agissant du médical, je crois qu’ULMaG a parfaitement compris la politique fédérale. La visite de non contre-indication à la première prise de licence est déjà ancienne et bien acceptée. La mise en place du QM Sport début 2019 a dérouté certains de manière légitime. Mais ceux qui ont compris la philosophie de ce questionnaire ont saisi que non seulement il ne portait pas atteinte à nos libertés mais qu’il était aussi intelligemment fait. Il permet de manière cohérente de nous protéger de la visite médicale aéronautique. Si nous n’avions pas cette approche du ministère des Sports, il y a longtemps que notre système aurait changé, y compris d’ailleurs pour ceux qui plastronnent en dehors du cadre fédéral et qui n’ont jamais rien fait pour préserver nos libertés. Là encore regardons en Europe ce qui s’est passé.
C’est une erreur d’associer le ministère des Sports à la seule compétition. La formation, la santé, le développement de la pratique et des terrains sont des enjeux essentiels. Le sujet est délicat et il a demandé beaucoup de travail collectif depuis deux ans. Cela permet de construire une relation forte dans le cadre de la refonte du mouvement sportif. Pour tenir compte des remarques de certains sur le questionnaire, nous avons simplifié au maximum l’attestation lors de la prise de licence pour saison à venir. Depuis un an, un ulmiste passionné compagnon fidèle de notre histoire commune est très actif sur ce sujet. Malgré des heures d’explication, il n’est pas convaincu et très éruptif sur la toile. C’est ainsi. Il n’a jamais mis en cause en revanche la qualité du travail que nous faisons depuis deux ans.
La radio
Dans l’édito, ULMaG fait aussi référence à la « soumission » de la Fédération à l’autorité, notamment. C’est bien d’être aussi nuancé. Mais c’est tout faux. L’édito du mois d’octobre fait référence au texte radio paru au mois de juillet. Ce texte est une totale erreur de casting, totalement imprévu, y compris par la majorité des services de la DGAC. Le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire, pas de préparation en amont, plein d’incohérences dans l’application. La Fédération l’a dit. Que fait-elle ? Nous attendons les textes du nouveau théorique ULM pour le début du printemps 2020 qui redéfiniront par les bases des compétences radio. Le texte paru s’inscrivait dans la démarche d’accès des ULM aux terrains contrôles, sujets anciens qui a fini par se perdre dans le temps. Entre-temps, il suffit de contacter la Fédération en cas de situation choquante, bancale ou incompréhensible. C’est un peu grossier et facile de parler de soumission. Le monde n’est heureusement pas aussi binaire. Il faut écouter, comprendre, négocier, proposer, rendre compte. Cela demande du temps, parfois des conflits violents, mais toujours du respect. Ce n’est donc pas un rapport de domination qui structure les relations avec la DGAC mais de partenariat lucide. Ne pas voir aussi la chance que nous avons en Europe d’avoir une telle administration, c’est un aveuglement d’enfants gâtés. Aveuglement historique car c’est bien la DGAC qui a rendu possible l’ULM depuis l’origine.
Le manque de démocratie
ULMaG évoque l’éloignement du Comité directeur par rapport aux Comités régionaux. C’est très drôle. Nous avons décidé il y a deux ans d’associer étroitement les Comités régionaux à la gouvernance de la Fédération à travers notamment un grand Comité directeur commun à côté des réunions classiques de Comités régionaux et des Comités directeurs ainsi que des réunions de bureau mensuelles qui n’existaient pas dans les temps précédents. Le dernier grand comité a eu lieu il y a quinze jours, unanimement apprécié de tous par la qualité des travaux et les choix effectués.
Il y a en effet un président de Comité régional, qui passe son temps à savonner notre travail dans un style bien à lui, c’est un docteur ès zizanie. Je suis confiant dans la durée, plus personne ne l’écoute. La toile est son exutoire.
Certains parlent de la démocratie à tour de bras mais au moment de compter, il y n’a plus personne ! ll ne suffit pas de se mousser le créateur derrière un écran ou de parler fort devant la moitié d’un autocar, en disant certains clubs « ici ou là », ou « de plus en plus » pour modifier la réalité des choses, en prenant une rigole pour un tsunami. Les élections sont régulières, les rapports moraux sont votés à plus de 90 %, les nombreuses structures présentes posent des questions et nous répondons. Certains se présentent. D’autres sont élus. Sur les 20 élus du Comité directeur, il y a 6 femmes et 2 élus de moins de trente ans. Toute cette année 2019, il y a eu de nombreuses réunions instructeurs, dirigeants de club, comités. Où sont les divisions ? Ça débat, ça discute mais les échos sont largement positifs, ou alors c’est vraiment « Tintin chez les Soviets » dans plein de coins de France avec une écrasante majorité de licenciés endormie par la parole fédérale narcotique.
Ce serait pas mal aussi de changer la vieille rengaine démagogique sur la base et le sommet, le pays réel et le pays légal, la France d’en bas et celle d’en haut. On veut bien sacrifier son temps et son énergie sur plein de sujets mais nous n’aurions pas autant de soutien et une telle dynamique si nous n’étions qu’une équipe de « traîtres » arrogants et prétentieux. J’ai pour principe de pas faire d’attaque personnelle mais d’essayer de rassembler des équipes autour de projets largement partagés. Cela s’appelle Fédérer. Cela demande pas mal d’énergie. Je n’aime pas la gouvernance à la testostérone, ni les polémiques stériles qui ne mènent nulle part.
On a le droit de ne pas être d’accord bien sûr mais il faut s’imposer quelques petites règles simples : ne pas mettre en cause sans s’informer auprès des principaux intéressés ; ne pas tomber dans la facilité parfois blessante ; accepter les règles de la vie démocratique qui s’appliquent aux fédérations.
J’apprécie ULMaG depuis longtemps et si je prends le temps de répondre, c’est que j’y suis attaché à une époque où la presse aéronautique évolue beaucoup, où les réseaux sociaux accordent plus d’importance à la vidéo d’un chat qui tombe dans une piscine qu’à l’écoute de principes simples largement partagés, de manière publique et respectueux de la différence.
L’air du temps aime l’information facile, les biais de confirmation où l’on n’écoute que ceux qui pensent déjà comme vous. En titrant « Pour qui roule la Fédération ? », on sous-entend que nous serions vendus, mais à qui ? à la DGAC ? C’est mal connaître nos relations. À l’argent ? On a le droit de rire. À l’avion ? Parlez-en librement au président de la FFA, qui est aussi un ami, mais avec qui nous avons des relations franches. À qui encore pourrions-nous être vendus ? La CIA ? Le grand capital ? Les Illuminati ? Le soupçon paranoïde stimule toujours l’imaginaire, il est rare qu’il fasse avancer les choses. En revanche quand on connaît un peu les tenants et les aboutissants de notre mouvement, certaines postures ne manquent pas d’ironie.
Évitons aussi les grosses ficelles sur le « canal historique » gardien du temple. L’expression devrait faire réfléchir, pour ceux qui ont le sens de l’histoire. L’histoire de l’ULM appartient à tout le monde. C’est un peu dommage de capter cet héritage dans une approche sectaire en tapant sur la Fédération tout en faisant un mausolée à Dominique Méreuze : les traîtres et l’âge d’or, les vrais et les faux, western de série B avec ses censeurs et ses têtes de Turc. Le scénario est parfois baroque quand on connaît le passé des acteurs. Si nous avions laissé conduire la Fédération après la mort de Dominique par certains qui ne roulaient que pour eux-mêmes, on serait en warning sur le bord de la départementale ! Et puis si nous étions si coupés du monde, pourquoi 5 responsables seraient venus à une réunion de 15 personnes ?
Voilà cher Miguel, une saine mise au point et je sais par ailleurs que sur plein de sujets tu es en phase avec nous : Blois en 2021, la délégation du théorique ULM, les championnats du monde de paramoteur en région parisienne, la politique sécurité-formation, etc. et que nous avons plein de choses à faire ensemble chacun dans son rôle. Je sais aussi que tu n’es pas de ceux à mettre en cause les personnes mais ton aura et ton professionnalisme nourrissent parfois des débats et des invectives moins nuancés. Le problème n’est pas d’être d’accord mais de s’écouter en amont plutôt que de lancer des anathèmes en aval. Il était nécessaire de rééquilibrer un peu les choses pour ne pas laisser dire n’importe quoi gratuitement.
Depuis deux ans il y toute une équipe très investie, constituée d’élus, de supports, de salariés, de comités au service des licenciés. Il y a des clubs, des organismes à but lucratif, des partenaires actifs soutiens, de simples pilotes, généralement contents de la politique menée. Dès que nous identifions un problème, nous essayons de le résoudre ou d’en tenir compte, il y a aussi plein de projets et un profond renouvellement des équipes. C’est je crois cela qu’une très large majorité de licenciés apprécie. On peut améliorer plein de choses mais dénigrer systématiquement, c’est du vol au second régime.
Je ne ferai pas de ping-pong sur les réseaux sociaux, je préfère mobiliser à construire.
Pour qui roule la Fédération ? Pour ses licenciés ! Début décembre, ils sont 15 360.
Bonnes fêtes.
Sébastien PERROT
Président de la Fédération Française d'ULM qui roule pour ses licenciés
décembre 2019