Nos choix règlementaires
La règlementation la plus libre faite pour des pilotes !
Notre règlementation ULM est la plus libre en Europe pour la pratique du vol motorisé. C’est un fait attesté. Mais il ne faut pas croire que la règlementation est éternelle et que les choses se font toutes seules. Le combat est permanent, souvent ingrat pour arriver à cet équilibre « dynamique ». Au moment où certains d’entre nous ne se représenteront pas pour une prochaine mandature (2025-2029) après plus de 18 ans comme élus, 10 ans auprès de Dominique Méreuze et 8 ans comme président en ce qui me concerne, il est important de rappeler quelques enseignements.
La règlementation c’est l’État, pas la Fédération !
Le premier, c’est que ce n’est pas la Fédération qui fait la règlementation mais l’État avec la double délégation tout à fait originale (ministère des Transports, ministère des Sports). C’est grâce en particulier à une relation étroite et de confiance entre la DGAC et la Fédération que nous avons pu construire ce cadre (en 1981, 1998 ou 2018). La création de l’EASA en 2003 qui a pris en charge la certification a complexifié le travail. La Fédération Européenne (EMF) a été créée dans la foulée pour permettre de militer au niveau européen afin de rester en dehors du spectre de l’Agence (les fameuses annexes, la « 2 », puis depuis 2018 la « 1 »). Paradoxalement, il faut être très présents au niveau européen pour rester en dehors ! Il est important notamment d’être introduits dans les organes d’influence comme Europe Air Sport (EAS).
Sans le soutien de la DGAC, nous n’aurions cependant pas pu imposer nos vues au niveau européen, en particulier lors du dernier « round » définissant le périmètre des pratiques « hors » agence européenne. Le combat a été rude. Et la poussée pour un ULM à 600 kg revient de fait à homogénéiser l’ULM au niveau européen et à terme à l’intégrer dans le champ de l’EASA. Il est donc absolument déterminant que la règlementation ULM reste nationale ! Tout en permettant des accords entre autorités pour la circulation entre États. Cela se fait très bien depuis 1981. Mais ne prenons pas l’exemple de la « libre circulation » que nous connaissons par ailleurs où nous sommes certains d’y perdre nos « plumes » ! Depuis 2017, nous avons réussi à prendre la majorité au sein de l’EMF en déplaçant le sujet de « pour ou contre 600 kg ou X kg » à « pour ou contre une règlementation nationale ou européenne ». Mais les majorités se renversent vite et dans notre histoire, la pratique de l’ULM a eu des hauts et des bas. La très bonne dynamique depuis 20 ans n’est pas le fait du hasard.
La règlementation n’est pas une fin en soi
Le second enseignement est que la règlementation ne vit pas toute seule, même si parfois les juristes hors sol aiment bien le penser. Il est bien évident que les indicateurs de la sécurité des vols sont déterminants. Il faut donc absolument mener de concert le combat pour la règlementation et celui pour la sécurité. On se souvient que la très mauvaise année 2015 avait eu pour conséquence l’injonction d’une modification de la formation instructeur qui a abouti à la réforme de 2017. Avec le recul, je n’étais pas en charge, on aurait certainement dû se poser la question de la formation du pilote avant de se poser celle de l’instructeur. Mais il faut prendre conscience que la DGAC n’est pas ou plus ressource de pédagogie, la disparition du service de formation a fait perdre de l’expertise sur ce point. D’où l’importance d’un partenariat de qualité avec l’ENAC (que nous avons mis en place en 2018).
Je ne peux pas faire la liste des menaces qui ont pu peser sur cet équilibre mais elles sont nombreuses et souvent imprévisibles. J’ai en tant que président été auditionné deux fois dans le cadre d’une instruction judiciaire, à chaque fois il a fallu défendre l’ensemble. Notre partenariat avec le BEA est un élément déterminant qui rend notre approche crédible. Au fond, le sujet sécurité est avant tout un sujet formation avec le « temps long » que cela suppose alors même que le « temps chaud » des accidents appelle parfois des réponses immédiates. La délégation du théorique ULM, la refonte de la formation du pilote, le partenariat avec Aérogligli, la mise en place de l’opération REV, le partenariat avec l’ENAC, la parution à la fin de l’année d’un nouveau manuel fédéral sont les meilleurs gages de notre « règlementation ».
Bien que connexe, le facteur de l’assurance est aussi décisif. Nous parvenons à assurer nos ULM (en RC) pour le prix d’un scooter, dans le contexte actuel, c’est remarquable. Ceux qui ont de la mémoire savent aussi que le sujet assurance peut totalement entraver le développement de notre activité avec un mélange des genres très malsain. Il faut donc avoir la bonne distance et maintenir des relations de qualité avec nos partenaires pour ne pas que le sujet dérape. Si nous ne pouvons plus nous assurer, la règlementation ne nous sera d’aucun secours, elle risquera même d’évoluer dans le mauvais sens ! Les pilotes de classe 6 le constatent pour l’assurance-casse qui ne fait pas partie du contrat fédéral. On se rappelle aussi durant le COVID de la pusillanimité de certains qui ont voulu nous clouer au sol au titre soi-disant de l’assurance.
La cohérence d’une règlementation faite pour les pilotes
Le troisième enseignement tient à la cohérence et à la maturité de notre règlementation qui est maintenant bien reconnue. Elle est même au programme du BIA depuis 2015 ! Les principales modifications ont concerné la modification pragmatique de la masse règlementaire (525 kg max avec un parachute pour un biplace) en 2019 et l’ajout de la classe 6 en 2014. La règlementation de 1998 avait intégré les autogires et les ballons et durant les années 80, les paramoteurs ont rejoint les deux classes initiales (pendulaire et trois axes). Mais la philosophie générale de la règlementation n’a pas varié : système déclaratif basé sur la responsabilité, limitation de la masse et de la vitesse de décrochage (à partir de 98, la règlementation antérieure était basée sur la charge alaire), biplace et vol VFR.
Dans cette enveloppe, l’ULM représente à peu près tout ce qui vole : voilure fixe, souple et tournante, aérodyne et aérostat. Il y a environ 12 000 machines identifiées en France actuellement sous ce régime. Chaque classe a apporté une innovation, un nouvel usage, sans « cannibaliser » une pratique existante. Nous avons des constructeurs français et étrangers remarquables, souvent présents depuis l’origine de notre mouvement. Certains ULM ressemblent certes à des avions mais ils n’en sont pas. Leur conception, leur usage sont différents. Le président de la FFA Jean-Luc Charron a bien montré dans un édito récent que le véritable frein au développement de l’avion est la certification. On voit par exemple comment l’installation du parachute de secours (qui vient du vol libre) devient complexe, voire impossible dans le cas de l’avion électrique, dans le monde de la certification.
Les deux principales sources de « schismes » dans ce cadre étaient liés au paramoteur d’une part et à ce que l’on qualifie (sans vraiment pouvoir les définir) les ULM performants.
Concernant les paramoteurs, l’obstacle du théorique ULM (dont les questions étaient souvent très orientées avion lorsqu’il était de la compétence de la DGAC) a été résolu dans le cadre de la délégation (cette année 2000 sessions ont été passées). Les paramotoristes représentent presque 25 % de nos licenciés en apportant une dynamique qui profite à tous. Inversement il est parfaitement illusoire de penser qu’une totale dérèglementation amènerait plus de liberté. Ce serait le moyen le plus sûr de nous clouer au sol sur l’injonction d’un préfet par exemple. Certains accidents récents ont failli remettre en cause la règlementation paramoteur dans son ensemble et c’est bien la cohérence de la famille de l’ULM qui assure la pérennité de la pratique. De surcroît beaucoup des licenciés ont une double pratique et nos champions portent très haut les couleurs de l’ULM (pas seulement en paramoteur). Je suis très fier de pouvoir annoncer que la patrouille paramoteur fera le vol inaugural de salon de la Ferté-Alais.
Concernant les ULM « performants », sujet récurrent et arlésienne de notre pratique, il faut faire le double constat que le sujet de la performance est souvent au final celui de la masse, ce qui revient à la discussion initiale, il faut aussi avoir en tête que les accidents n’ont pas plus d’occurrence pour un type de machines plus qu’une autre. Il faut aussi ôter de l’esprit cette représentation idéalisée des débuts, car pour à peine 4 000 pratiquants dans les années 80, il y avait en proportion beaucoup plus d’accidents qu’aujourd’hui. Notre activité est donc devenue plus sûre dans le temps, en particulier depuis 1998 et la nouvelle structuration de la Fédération et de sa relation avec les tutelles.
Il serait donc très dangereux de vouloir déstabiliser cet ensemble, a fortiori dans un contexte difficile pour l’aéronautique et l’ensemble des acteurs. Le diable se niche souvent dans le détail et le mieux est l’ennemi du bien. Notre règlementation n’est pas parfaite mais elle a le mérite d’avoir fait ses preuves et de satisfaire la très large majorité des pilotes et des constructeurs. Sur ce dernier point, c’est une très bonne chose que notre règlementation serve de nourrice à de nouvelles technologies pour des constructeurs souvent extérieurs à notre pratique mais cela ne leur donne aucune légitimité particulière pour faire évoluer nos règles dans un système qui leur serait plus favorable. Surtout pour des machines valant plusieurs centaines de milliers d’euros et dont la place est marginale dans notre activité.
Une fédération et des partenariats forts
Le quatrième et dernier enseignement pour préserver notre règlementation dépend directement de la « santé » de notre Fédération. Nous avons des pratiques, des clubs, des sociétés, des terrains très variés bien plus que les autres pratiques aéronautiques. Sans compter que nos domaines sont tout de même très techniques et que notre mouvement n’a jamais manqué de fortes personnalités. Avec Dominique Méreuze puis sans lui, nous nous sommes efforcés de rendre nos fédérations plus fortes et crédibles, plus autonomes aussi dans leurs moyens d’agir. Cela suppose tout d’abord une bonne dynamique des licences, ce qui n’est jamais acquis surtout dans le contexte actuel mais aussi des partenariats forts.
Nos deux tutelles ont parfaitement intégré cette histoire, qu’il faut souvent rappeler sur la spécificité du médical par exemple et sur les contraintes liées aux vols payants. Nous avons réussi à faire avec le temps que nos deux tutelles échangent sur notre pratique. Il reste que l’État est souverain et que rien n’empêche d’évoluer dans une toute autre direction. Nous avons la chance d’avoir une puissance publique investie sur l’aviation de loisir. Il faut maintenir un bon équilibre, prendre notre indépendance sur certains sujets sans pour autant prendre en charge toute l’activité. Le modèle allemand du DULV qui gère l’ensemble de la pratique, dont la certification, a pour effet d’augmenter le niveau de certification sur un modèle totalement privé. Il ne faut pas croire que la bureaucratie et la norme ne sont que le fait de la puissance publique.
Avec le temps nous avons su trouver aussi des relations constructives avec les autres fédérations réunies au sein du CNFAS. Dans la défense de l’aviation de loisir, les sujets qui nous unissent (les espaces aériens, les terrains, etc.) sont plus forts que les différences de nos pratiques qui ne font plus vraiment débat. Au sein de la FFA, il y a plus de 400 ULM qui sont affiliés à la Fédération en intégrant la culture ULM au sein de structure certifiée, nos relations avec la FFVL sur le statut du paramoteur ne font l’objet d’aucune difficulté et nous avons par ailleurs des relations très positives (sur la sécurité par exemple), nos amis du ballon travaillent avec nous sur la classe 5, la FFG a vu d’un bon œil l’apparition de la classe 6 avec une centaine de machines, de longue date le RSA a une culture commune forte avec l’ULM et nous avons de nombreuses actions communes, la FFVP a eu une utilisation des ULM en remorquage (à laquelle nous n’étions pas favorables au début) qui a fini par trouver un cadre d’utilisation qui sert tout le monde, nos amis du modélisme seront partenaires sur la prochaine édition du MULM.
Dans cet écosystème favorable, il faut déplorer la disparition de la presse spécialisée et en particulier de la revue Vol Moteur qui a accompagné notre pratique depuis le début. La personnalité et les compétences de René Coulon ou celle de Philippe Tisserant ont grandement contribué à créer une expertise commune sur notre pratique. Leur rôle a été décisif dans la relation entre constructeurs, tutelle et fédération. La presse papier qui demeure est souvent très orientée avion avec une sensibilité nouvelle à l’ULM à coup sûr mais qui penche souvent du côté du trois axes et du 600 kg tout de même. Aérobuzz est la principale référence de l’expertise aujourd’hui. Quant aux réseaux sociaux, on ne peut pas dire qu’ils soient le lieu où s’élaborent le compromis et la nuance.
Et la suite ?
En conclusion, je serai tenté de dire : ne touchons surtout pas à notre règlementation dans le contexte incertain actuel !
Concernant une hypothétique classe 7 multi-rotor soutenue par certains, il ne faut avoir aucun a priori mais concrètement, nous n’avons aucun recul sur des machines qui ressembleront plus à des drones qu’à des ULM, pour des consommateurs usagés plus que pour des pilotes et où les constructeurs imposeront leur norme sans se soucier de notre histoire et où les parapluies juridiques fleuriront de toute part. On voit à quel point le projet de taxi urbain drone pour les JO est incertain. Il ne faut pas jouer les apprentis sorciers sur des beaux jouets qui seront chers et qui ne répondent pas à la famille des pilotes actuels.
Monter en l’état la limite des 600 kg serait une erreur pour tout le monde. En revanche, il reste un créneau pour le non certifié entre le 525 kg et le 600 kg. On peut certainement envisager une règlementation spécifique, ségréguée de la nôtre plafonnée à 525 kg où les machines innovantes avec des contraintes techniques de poids spécifique (batteries par exemple) pourraient trouver un espace de développement. Il faudrait alors envisager des spécificités pour la formation des pilotes, le suivi des machines, l’accès au terrain ULM par exemple. Soyons cependant très prudents sur ce sujet et ne touchons pas un système éprouvé qui satisfait la plus grande majorité.
Ce qui est certain, c’est que ce qui nous fédère le plus, c’est certainement cet attachement à notre règlementation que nous avons introduite dans l’article 1 de nos statuts. C’est notre trésor commun, au-delà des différences de pratiques ou de nos motivations dans l’ULM.
C’est bien français de se plaindre des systèmes que les autres nous envient ! Nous pouvons améliorer plein de choses mais préservons la maison commune !