Ayant pratiqué le vol libre depuis ses débuts, j’ai fini par être lassé de faire des kilomètres en voiture et d’attendre, pendant des heures au sommet, le vent favorable. Avec une bande de copains d’Avignon, Georges Kany et Edmond Aupy, début 1979, j'ai cherché à motoriser nos ailes avec des moteurs de tronçonneuse avec l’hélice en prise directe afin de pouvoir voler à proximité de chez nous. La puissance était trop faible, après bien des destructions de matériel, notre enthousiasme s’est un peu calmé jusqu'à ce que je tombe sur l’engin miracle, le « soarmaster », qui possédait un réducteur. C’était hyper instable, mais pour ceux qui avaient de grandes jambes il permettait de décoller sur du plat (bien que pas toujours !).
À partir de Septembre 1979, j’ai volé un peu partout avec ce système jusqu’à ce que je me fasse arrêter par la gendarmerie pour avoir volé avec un engin non autorisé. Le procès-verbal, et mon récit de pince à linge dans la bouche comme manette des gaz, a bien fait rigoler le juge mais je ne pouvais pas récidiver. Il fallait s’organiser pour pouvoir voler tranquille d’autant plus que nous n’étions pas les seuls qui cherchaient à voler en motorisant nos ailes de vol libre, nous avons alors crée le club des « Ailes ultra-légères motorisées d’Avignon ». Ce système de vol était toutefois très délicat et il était difficile de le rendre accessible à tous. C’est alors que Roland Magallon a eu l’idée géniale d’installer le pilote sur un chariot. De plus en plus de gens ont ainsi pu voler, mais parallèlement de plus en plus de PV d’infractions ont été délivrés. Il devenait urgent de s’organiser au plan national.
À l’initiative de « Vol Libre Magazine » une réunion à été programmée en 1980, quelque part vers Macon, pour regrouper les adeptes du vol motorisé. Dans les hurlements d’une assistance libertaire complètement déjanté, on a pu discerner qu’il fallait se regrouper et s’organiser sous forme de Fédération. Il fallait trouver quelqu’un qui s’en charge. Il n’y a pas eu d’élection, René Coulomb a gueulé, encore plus fort que d’habitude, « Dreyer ». J’étais ennuyé car mon entreprise me prenait beaucoup de temps tout en reconnaissant que j’étais le seul de l’assistance qui avait à la fois les qualifications de pilote IFR avion et hélicoptère, l’intendance et les moyens de créer une Fédération.
Nous avons décidé de nous réunir une autre fois en une sorte d’Assemblée Générale pour écrire les statuts. Rien que le choix du nom a pris une journée, toute l’assistance hurlait, personne n’était d’accord. Si le nom « Fédération Française de Planeurs Ultra Léger Motorisé » a eu un accouchement difficile, il a eu le mérite de rendre célèbre sa contraction « Ultra léger Motorisé ». La Fédération a donc été crée et l’adresse de son siège social a été longtemps celle de mes bureaux : chemin de la Folie à Montfavet, tout un programme quand j’allais à la DGAC …….Nous étions près de l’asile et un jour un représentant de la DGAC avec qui j’avais rendez-vous s’est trompé et s’est retrouvé dans l’asile !
La mise en place d’une réglementation qui satisfasse pilotes, instructeurs et DGAC a été difficile. Il y avait la chapelle des pendulaires et la chapelle des 3 axes (qui souvent a cette époque n’avait aucun axe vraiment défini !). La chapelle des « faibles charges alaires, faible puissance qui pouvait se poser de partout », mais qui ne pouvait pas redecoller sans finir dans un arbre ou une clôture et la chapelle des « augmentons la charge alaire pour avoir plus de défenses et pour pouvoir voyager » mais qui ne pouvait aller bien loin car les moteurs rendaient l’âme au bout d’une heure à cette époque. Les vieux « chibanis », inventeurs de ce type de vol, gueulaient très fort et refusaient de se soumettre aux tests pour devenir instructeurs. Il y avait ceux qui volaient pour le plaisir et ceux qui voulaient êtres rémunérés et en faire un métier.
Heureusement je volais dans toutes les chapelles ce qui me permettait de trouver un consensus. Les conseils d’administrations étaient l’occasion pour tous de faire des vocalises sur le mode hurlement. Le pugilat n’était jamais loin tellement les pilotes étaient passionnés. Tout le monde avait un œil sur nous, la FNA qui nous méprisait au début a essayé de nous bouffer. La réglementation très libérale que nous avions réussie à obtenir grâce à la compréhension de la DGAC faisait des envieux …. Chaque fois qu’il y avait un accident, il fallait que je fournisse des explications à la DGAC. Difficile d’expliquer pourquoi un type avec son ULM remontait les ailes de vol libre en les accrochant en vol avec un grappin !
Notre agrément-jeunesse et sport a été obtenu de justesse, un malheureux accident de biplace au départ du tour de France a failli le remettre en cause et la pétulante ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, que j’avais fait voler devant les caméras, s’est fait réprimander en Conseil des ministres.
Petit à petit la Fédération est devenu mature, elle avait les moyens d’acheter son siège Social et son fonctionnement est devenu démocratique, alors j’ai trouvé qu’il était temps de partir …….. Bref cela a été instructif, passionnant et folklorique et ça a été un excellent moment dans ma vie.
Bons vols,
Alain Dreyer
1er président de la FFPLUM
Article paru dans l'ULM Info n°58